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C'est entre la Charité sur Loire et le Paradis que Monsieur le Curé se fait agresser ce 19 octobre 1903 par Charles BEAULIEU. Il n'aura pas eu le temps de prendre la poudre d'escampette, de se faire la malle...C'est un bien mauvais jeu de mot quand on sait que René LAMALLE, abbé depuis 20 ans. Il est le fils d'un facteur et approche de la quarantaine ; il occupe un poste de professeur à PIGNELIN.
Depuis quelques mois, il était menacé. Si au début, il a pris les choses plutôt à la légère puisqu'il n'avait rien à se reprocher, comme il l'a assuré à sa hiérarchie avisée de l'esclandre qu'avait fait BEAULIEU au presbytère, Il s'est tout de même insurgé contre de tels ragots, a protesté vivement puis s'est inquiété des menaces de mort proférées à son encontre par le mari et a préféré faire l'achat d'une arme à feu.
Charles BEAULIEU est un ancien officier d'Administration ayant effectué son service en Algérie. Il en est revenu avec son épouse, Virginie BERTHELOT, depuis environ deux ans. Ils se sont installés au Paradis, dans une grande demeure. Virginie a hérité de son parrain une somme très conséquente : 200 000 francs qui leur permet de vivre sur un bon train de vie.
Au début de l'année 1903, ils ont pris à leur service, une petite cousine : Mélanie BEAULIEU
Charles BEAULIEU est né le 22 mars 1861 (4 H) à ALLIGNY-COSNE.
Ce 19 octobre 1903, il est parti avec sa bicyclette sur la route en direction de NEVERS. Bientôt, il aperçoit un homme devant lui et même si cette route est très fréquentée, il sait déjà à qui il a à faire.
Il s'arrête et l'interpelle :
- C'est bien vous l'Abbé LAMALLE ?"
Sans attendre sa réponse, il dit :
-Eh bien moi, je suis Monsieur BEAULIEU."
Charles BEAULIEU se jette sur lui et lui assène plusieurs coups au visage.
L'abbé LAMALLE, choqué, abasourdi, apeuré, sort de sa poche son revolver et tire. Son agresseur touché en plein coeur s'effondre brutalement.
Peu après, un médecin venant à passer, interpellé par le père LAMALLE, ne peut que constater le décès de l'ancien officier. Il écoute le récit que lui fait l'homme d'église et reste auprès de la victime dans l'attente d'un véhicule.
Le prêtre rejoint son petit séminaire où il attend les hommes de Loi.
René LAMALLE est né le 11 novembre 1863 à LIMANTON (9 H)
Le procès débute le 8 février 1904. ANTONIN est présent également dans la salle. Le déballage fait autour de la vie intime du couple n'a pas manqué de faire rougir la veuve habillée tout de noir. Elle a été entendue par la Cour et a assuré que ces médisances qui ont bouleversé ses relations conjugales ont été inventées ; elle ignore dans quel but.
René LAMALLE est stoïque. On s'étonne de son sang froid. On s'étonne de sa réaction rapide à sortir son arme. Mieux qu'un brigand. N'est-il pas un homme de Foi ?
Quand on l'interroge sur ses relations avec la veuve de la victime, ce ne sont que des calomnies, il n'a rencontré Mme BEAULIEU que 3 fois brièvement et dans des circonstances tout à fait normales ; l'une de ces rencontres ayant eu lieu dans un transport public.
On auditionnera les témoins de la scène : deux jardiniers : Jean GUILLERAND et Louis OLLIVIER, un cultivateur : Paul ARIAT, le Dr HOUZÉ, médecin présent ce jour-là, le Dr MARCHAIS, le médecin légiste, l'abbé BONDE supérieur du séminaire de PIGNELIN.
Vient le tour de Mélanie BEAULIEU, 22 ans, domestique au service du couple. C'est d'elle dit-on que la rumeur est partie. Aux questions du Président qui s'impatiente, elle est prise d'amnésie.
- C'est bien vous qui avez parlé d'adultère à Charles BEAULIEU ? Pourquoi, votre cousin s'était montré généreux avec vous. Combien ?
- Mon cousin m'a légué 10 000 francs.
- C'est Vous également qui avez parlé des visites nocturnes de René LAMALLE....?
- Oui, si on veut. C'est vrai, j'ai entendu quelqu'un s'introduire la nuit....
- Avez-vous vu de qui il s'agissait ?
- je ne me suis pas levée pour aller voir de qui il s'agissait.
- Vous voulez dire que vous l'ignorez ?!
- Dans les lettres écrites à votre fiancé, vous parliez de choses qui se passent au "PARADIS" quelles sont ces choses ?
- Je n'ai plus rien à dire" bredouille-t-elle alors que son visage s'empourpre.
L'assistance manifeste son indignation bruyamment.
Dans le box, René LAMALLE écoute. Il est éberlué ; il y a eu un mort tout de même et sans les affabulations de cette femme, rien ne serait arrivé.
Le procès durera deux jours. Une ribambelle de personnes "informées" viendront raconter des insanités sur le père LAMALLE ...pas très catholique. Beaucoup de "Ouï-dire" hallucinants qui vont sidérer les jurés.
M. De CULLAN, conseiller à la Cour des comptes, qui lui a confié l'éducation de ses enfants, viendra à son secours en louant ses services de dévouement et sa compétence. Il lui renouvellera son estime et sa reconnaissance.
Mêmes éloges de la part du directeur de banque : M. BOURGOIN, du Marquis de ROUALLE du château de BOUX, de M. MAHIRE et de M. CORBIER, adjoint au maire de VARENNES, de M. MARCEAU, cultivateur, du boulanger, du sellier et du marchand de bois.
Après les plaidoiries des différents avocats, le dernier mot revient aux Jurés.
L'ecclésiastique sortira libre du Tribunal.
Au lendemain du Jugement, il n'évitera pas la haine anticléricale de certains journaux.
Bonne Lecture,
Évelyne LUCAS